A l’heure où des milliers de femmes ont défilé dans le monde,

Ici loin des villes rien ne s’est manifesté.

 

Les motifs de mobilisation sont pourtant nombreux : violences sexuelles, féminicides, pubs sexistes, violences gynécologiques, inégalité d’accès à l’emploi, inégalité des salaires, réforme des retraites…

Mais ici RIEN…

Dans nos villages si éloignés des grandes villes,

Tout est resté calme et reposé.

 

Un flash-mob en a réuni plus d’unes en bleu de travail fichu rouge sur la tête, attributs emblématiques de la non moins prestigieuse « Rosie la riveteuse », icone du mouvement féministe,

Mais ici tout est  calme et reculé.

 

Déjà samedi soir, des féministes ont été frappées par les forces de l’ordre alors qu’elles manifestaient contre les violences sexuelles.

Sur les pancartes on peut y lire « Quand une femme dit NON, c’est NON ! »

Et sur d’autres encore, y voir, le célèbre cri de colère de l’écrivaine Virginie Despentes « On se lève et on se casse » ou encore « Merci Adèle ! »

Ici tout est calme et isolé.

 

A Marseille, un groupe de jeunes a récolté depuis des mois des dizaines de publicités sexistes dans les abribus. Au total, une fresque de 100 m de long exposée sur la Cannebière cet après-midi, invitant les gens à voter pour la pire ! Plus de 1500 votants !!!

Ici, tout est calme et apaisé.

 

Au pied du Panthéon, des militantes ont déployé une banderole proclamant « Aux femmes, la matrie reconnaissante ! »

Mais ici dans nos petits villages de la Drôme… RIEN

…Ou plutôt si…en ville à Valence !

 

Pourquoi faut-il donc que loin des grandes villes, les seules manifestations s’attachent à ne donner des femmes que la même image réductrice de la femme « Capable AUSSI de… », ou encore « Elle en a…. » comme un homme !

C’est ainsi qu’à Valence, dans le cadre de cette journée, la ville s’enorgueillit d’avoir, je cite « une invitée de marque en la personne d’Andréa Navrotescu, sextuple championne de France venue prouver que les échecs se conjuguent AUSSI au féminin » ! Navrotescu, Navrant !

Ailleurs je lis qu’en Drôme-Ardèche d’autres femmes prouvent comment « elles peuvent AUSSI être des agricultrices compétentes » et de talents !!

Mais quand s’arrêtera-t-on de devoir toujours prouver nos compétences ?

Quand arrêterons nous d’avoir toujours à « nous justifier de » ?

Autrefois en tout lieux, les femmes qui osaient parler étaient traitées de sorcières, de putains, de mécréantes ou dignes de se taire en les  rabaissant au rôle servile de princesse

Les femmes d’aujourd’hui comme d’hier continueront de lutter courageusement et de s’exprimer pour les mêmes combats; de lever bien haut le poing, comme un magnifique doigt d’honneur à ceux qui les méprisent, fiers d’être ce qu’elles sont, et  d’avoir encore et toujours le droit et le devoir de PARLER.

Le répertoire de la littérature orale en est un remarquable témoignage. A nous de le faire connaitre, de le magnifier, nous les conteuses que nous sommes.

 

C’est pourquoi humblement

En ce petit matin  printanier,

Me rendant à une réunion préparatoire du Festival « Contes & Rencontres » du Nyonsais et des Baronnies

En ce si joli village de Montaulieu,

Qu’ au soleil levant,

Sur cette porte refermée,

J’ai vu cette main de femme délicate,

J’ai vu cette main inclinée vers le bas et soumise,

J’ai AUSSI vu cette bague à nulle autre pareille

Mais… surtout Majeur(e) en son doigt

Qui n’attendait qu’à parler !

 

Alors m’est venu en tête le magnifique poème de Victor Hugo.

Hommage au doigt de la femme

Qui, de grâce, de beauté, de caresse et d’exquis,

Mais aussi, ce doigt fait « pour toucher l’âme », ce doigt – force de combat, ce doigt qui « guide l’homme incertain »…mais dont « jamais le mal n’en sortît »

OUI, ce doigt qui,

De sa création à son apothéose,

Est celui par qui…

Du bout de l’ongle… sourit …mais qui, d’un même souffle toujours crie !

 

Le doigt de la femme

Dieu prit sa plus molle argile
Et son plus pur kaolin,
Et fit un bijou fragile,
Mystérieux et câlin.

Il fit le doigt de la femme,
Chef-d’œuvre auguste et charmant,
Ce doigt fait pour toucher l’âme
Et montrer le firmament.

Il mit dans ce doigt le reste
De la lueur qu’il venait
D’employer au front céleste
De l’heure où l’aurore naît.

Il y mit l’ombre du voile,
Le tremblement du berceau,
Quelque chose de l’étoile,
Quelque chose de l’oiseau.

Le Père qui nous engendre
Fit ce doigt mêlé d’azur,
Très fort pour qu’il restât tendre,
Très blanc pour qu’il restât pur,

Et très doux, afin qu’en somme
Jamais le mal n’en sortît,
Et qu’il pût sembler à l’homme
Le doigt de Dieu, plus petit.

Il en orna la main d’Ève,
Cette frêle et chaste main
Qui se pose comme un rêve
Sur le front du genre humain.

Cette humble main ignorante,
Guide de l’homme incertain,
Qu’on voit trembler, transparente,
Sur la lampe du destin.

Oh ! dans ton apothéose,
Femme, ange aux regards baissés,
La beauté, c’est peu de chose,
La grâce n’est pas assez ;

Il faut aimer. Tout soupire,
L’onde, la fleur, l’alcyon ;
La grâce n’est qu’un sourire,
La beauté n’est qu’un rayon ;

Dieu, qui veut qu’Ève se dresse
Sur notre rude chemin,
Fit pour l’amour la caresse,
Pour la caresse ta main.

Dieu, lorsque ce doigt qu’on aime
Sur l’argile fut conquis,
S’applaudit, car le suprême
Est fier de créer l’exquis.

Ayant fait ce doigt sublime,
Dieu dit aux anges : Voilà !
Puis s’endormit dans l’abîme ;
Le diable alors s’éveilla.

Dans l’ombre où Dieu se repose,
Il vint, noir sur l’orient,
Et tout au bout du doigt rose
Mit un ongle en souriant.

Victor Hugo, Les Chansons des rues et des bois, 1865